Pour une politique ambitieuse des addictions en France

Mar 11, 2023 | Opinions

Lire d’autres articles

Aucun résultat

La page demandée est introuvable. Essayez d'affiner votre recherche ou utilisez le panneau de navigation ci-dessus pour localiser l'article.

Dans une tribune publiée par le journal Libération, un collectif propose de changer de paradigme en matière de politique des drogues. Portée par William Lowenstein, co-Président du Groupe Santé Addictions (GSA) et Anne Souyris, Maire-adjointe à la Santé de la ville de Paris, le texte présente un ensemble de mesures pour améliorer la santé et lutter contre le tabou.


Notre société n’est plus préparée à lutter correctement contre les addictions. L’a-t-elle jamais été ? L’accident tragique dans lequel est impliqué le comédien Pierre Palmade, au-delà du drame insondable pour les victimes, a ouvert le champ des commentaires et des remarques que nous n’aurions jamais imaginé entendre dans le débat public.

Des années de politique de santé, d’information et de prévention n’ont pas été suffisantes. Ni pour sortir d’une approche purement sensationnaliste, encore moins pour aborder les causes profondes du drame.

Les signataires de la tribune

Nous, acteurs publics, professionnels de santé, responsables associatifs ou usager.es de drogues, appelons par ce texte à une prise de conscience sur la question des addictions qui devraient devenir une priorité des politiques publiques.

Des hommes et femmes tels que Pierre Palmade, les professionnels de santé en prennent en charge régulièrement. Ils et elles sont dépendant.e.s à l’alcool, aux drogues illicites ou aux jeux, en difficulté avec leurs consommations. Mais le spectaculaire de leurs situations respectives ne doit pas faire oublier que l’addiction concerne tout le monde, depuis les jeunes skieurs qui dévalent les pentes “défoncés” à l’alcool aux centaines de milliers de personnes qui ne peuvent plus se passer de benzodiazépines pour dormir. Depuis 2017, la politique des drogues se brouille, le mot d’ordre répressif prend une place exclusive dans le débat public et l’absence de perspective devient résignation de facto.

Sans direction réelle, et faute de débat à la hauteur de la crise, la politique des addictions est de plus en plus à la peine. Elle se résume ces dernières années aux faits divers et aux complaintes de riverains qui partout sur le territoire se plaignent des risques que l’usage de drogues entraîne dans l’espace public.

L’absence d’action coordonnée et réelle de l’Etat se constate malheureusement dans l’augmentation des maladies liées aux drogues, des conduites problématiques et dans la multiplication de l’insécurité routière. Nous appelons à un sursaut : les objectifs de santé publique doivent être décidés par le ministère de la Santé et non par les ministères de l’économie ou de l’intérieur, même si ce dernier doit bien-sûr continuer de travailler sur la répression des trafics. La Suisse a déjà réalisé ce changement il y a 40 ans, ce qui lui a permis de sortir des scènes ouvertes de drogues, de réinsérer celles et ceux qui étaient laissé.e.s pour compte et de rétablir la sécurité dans les quartiers.

Les objectifs de santé publique doivent être décidés par le ministère de la Santé et non par les ministères de l’économie ou de l’intérieur

Les signataires de la tribune

Les drogues et les dépendances sont inhérentes à notre société : il faut vivre avec, assumer de vouloir en réduire les risques plutôt que de faire disparaître des usages qui continueront, qu’on le veuille ou non. Nous devons étudier la piste si souvent restée suspendue de la dépénalisation de l’usage des drogues. Elle permettrait plus de prévention et une meilleure prise en charge. Le succès du Portugal dans le domaine est flagrant.

Sur ce sujet, écouter l’intervention de Martine Lacoste, Vice-Présidente de la Fédération Addiction à l’occasion des journées nationales de la FA en 2018.

Il faut sortir du stigmate et du tabou qui empêchent les personnes en situation d’addiction d’être prises en charge, ce que Palmade définissait comme la “maladie illégale”. Un usager de drogues dont la consommation est problématique et qui ne se traite pas ne se met pas seulement en danger, il peut devenir un risque pour le reste de la population.

Cette nouvelle politique devrait permettre de donner des outils aux proches et aux consommateurs eux-mêmes afin qu’ils puissent réduire les risques et prévenir les dommages. Nous connaissons toutes et tous des personnes concernées mais sommes souvent démuni.e.s : une vraie politique d’information et d’éducation populaire devrait accompagner et non condamner (premiers secours addictions, renforcement des consultations jeunes consommateurs, ouvertures d’établissements de RDR comme les Haltes Soins Addictions, etc.).

Une telle politique a besoin de moyens. Commençons par allouer majoritairement les fonds de concours (issus des saisies de drogues) à la prévention et à la réduction des risques : actuellement, seulement 10% d’entre eux seulement y sont dédiés. Mais il faudra aller plus loin et augmenter le budget soins, hébergement et réinsertion pour ne plus avoir aucun.e usager.e de drogues en consommation et vie de rue.

Enfin, et avant tout, pour sortir de la voie sans issue dans laquelle est notre politique des dogues, un débat national type « CNR lutte contre les addictions » doit être mené d’urgence. Ce débat doit avoir lieu avec les acteurs de santé, les usager.es de drogues, les elu.es de terrain et les citoyen.nes, et les recommandations qui en seront issues, discutées au parlement, puis suivies et exécutées par une agence nationale des addictions sous tutelle du ministère de la Santé. C’est à ce prix que nous établirons un nouveau contrat social autour de la lutte contre les addictions à la fois efficace, humaine et réaliste.

Mar 11, 2023 | Opinions | 0 commentaires